Lapsus 1/03/2023
Spécial colloque - La parole dans la clinique de demain. Etat des lieux d'une dépathologisation et perspectives
Le pathos de nos vies
Par Eric Morin
Le mot pathos vient du grec πάθος, c'est «ce qu'on éprouve; tout ce qui affecte le corps ou l'âme, en bien et en mal» 1. La dépathologie, à la suivre à la lettre, serait donc une sortie de la logique de ce qui affecte le corps ou l'âme.
La science traite de ce qui affecte le corps, elle évacue le pathos qui affecte l'âme en le réduisant, de nos jours, à une cause neurologique. Ce pathos de l'âme, ce pathos de nos vies, on peut le nier, le dénier. La psychanalyse, elle, part d'un pathos qui, disons le comme cela, affecte le corps et l'âme.
Pour saisir la logique de la psychanalyse, partons d'un exemple, celui donné par Kant. Notons que pour Kant, le pathologique, c'est ce qui est à évacuer pour une conduite rationnelle. Kant prend l'exemple suivant : si céder à votre passion luxurieuse vous mène avec certitude au gibet, nul doute vous n'y céderez pas. Pourtant céder à sa passion luxurieuse ne dépend pas du risque du gibet mais du rapport opaque et singulier de chacun à un dehors originel, un pathos, que l'on peut nommer das Ding, la chose freudienne, la pulsion, la jouissance.
Il y a, nous explique Jacques-Alain Miller, un premier dehors du sujet [das Ding] un dehors originel avec lequel le sujet entretient un rapport pathétique, il «en souffre, y prend plaisir, et il en est commandé d’une façon qui lui échappe.», il n’y a pas «d’articulation logique de das Ding [...] mais un rapport pathétique, un pathos et non un logos.»2
La psychanalyse serait donc une logique qui tient compte de ce pathos sans le nier, ni le dénier, ni le forclore, la psychanalyse serait une sorte de dépathétisation du sujet. Ce mot dépathétisation, Patricia Bosquin-Caroz l'a fait résonner à nos oreilles le 21 janvier lors de Question d’École. Faisons donc, un dernier tour de boucle, en disant que dans pathétique y résonnent logiquement le pathos et l'éthique.
1. https://www.cnrtl.fr/etymologie/pathos
2. Miller J.-A., « Une lecture du Séminaire d'un Autre à l'autre », La Cause freudienne, n° 66, février 2007, p. 69.