Lapsus 31/03/2023
Lapsus 13 - Spécial Colloque- "La parole dans la clinique de demain. Etat des lieux d'une dépathologisation et perspectives"
Christiane Alberti sera notre invité le samedi 15 avril où elle interviendra dans la séquence “La parole de l’enfant”.
Psychanalyste à Toulouse, membre de l’École de la Cause Freudienne et Présidente de l’Association Mondiale de Psychanalyse, Christiane Alberti exerce également en institution. Dans le cadre de la préparation de ce colloque, nous l’avons tout spécialement interrogée sur sa pratique en hôpital de Jour pour enfants.
Ses réponses sont de précieuses boussoles dans l’orientation du travail en institution.
Patricia Loubet –– Que pouvez-vous nous dire du travail clinique dans la pratique en hôpital de jour pour enfants ?
Christiane Alberti – Dans une institution comme l’hôpital de jour où je travaille, il y a en même temps que l’enfant que nous recevons, une série de demandes qui proviennent du champ social. Nous allons par exemple être en lien avec l’école parce que l’enfant est en difficulté scolaire ou bien avec les services sociaux parce que l’enfant a des problèmes dans sa famille. Une série de médiations porte donc la demande de traitement.
Il y a par ailleurs le travail à faire dans l’écoute des parents pour extraire ce qui fait symptôme. C’est le travail essentiel de mise en forme de ce qui ne va pas, de ce qui se met en travers de la routine du monde.
Ce passage de ce qui est incompréhensible, énigmatique à la mise en forme d’un savoir jusque-là ignoré, participe du traitement.
P. L. – La mise en forme du symptôme fait donc partie intégrante du travail clinique, elle n’est pas donnée en soi.
C. A. – Cette mise en forme est inhérente au symptôme. C’est sa différence avec le trouble que l’on croit identifier juste en le rangeant dans une similarité de phénomènes, dans des catégories abstraites ou en vogue. De ce point de vue, troubles et symptômes ne doivent pas être confondus.
Cette mise en forme en passe essentiellement par la parole, celle de l’enfant, celle des parents. S’agissant de la parole de l’enfant, il faut veiller à ce qu’elle ne soit pas instrumentalisée, que l’on n’assigne pas d’emblée à la parole un objectif, un but ou une volonté sur le mode : il dit ça pour faire ça, la volonté : il dit ça parce qu’il veut ça. Il s’agit d’être attentif à l’usage qui est fait de la parole car nous sommes dans un contexte de scotomisation de la fonction de la parole à des fins de normalisation. C’est cela l’instrumentalisation de la parole.
P. L. – C’est un des aspects de la dépathologisation !
C. A. – Il y a ensuite l’écoute des parents qui est essentielle car ils savent qui est leur enfant. C’est au sens fort un savoir car il repose sur l’expérience et la particularité du lien à leur enfant. Ce savoir qui n’est pas anonyme mais particularisé, passe souvent actuellement au second plan derrière les catégories prêt-à-porter qu’on leur propose : hyperactivité, autisme, TSA et toute la littérature que l’on peut trouver sur internet. C’est pourquoi le savoir des parents est incontournable car il résiste aux catégories typifiantes et pour tout dire déshumanisantes car elles ne permettent pas de dire ce que l’on connaît ou reconnaît d’un enfant et ce que l’on reconnait de lui est directement issu du lien à cet enfant. Ce savoir-là peut permettre à l’enfant aussi de s’y reconnaitre.