Nouage 10 - Les semblants... ou pire
Les semblants...ou pire
Voici le titre percutant du dernier bulletin de Nouage Numéro 10.
Un petit groupe de lectrices s'est réuni pour lire Nouage. Guidées par Marie-Christine Bruyère, responsable Nouage et membre de l'ACF en MP, et Clémence Coconnier, responsable secrétariat et membre de l'ACF en MP ; chacune a produit un écrit à propos des perles que vous pourrez y découvrir.
Sandy Claise à propos du texte de Virginie Leblanc, Quand les semblants vacillent, ni obéir, ni désobéir : intervenir.
Dans ce Nouage, la conférence prononcée par Virginie Leblanc lors des Rencontres de Toulouse intitulées Sens et Désobéissance nous donne des indications précieuses pour la clinique contemporaine. Dans ce moment de « déboussolement généralisé », les souffrances subjectives relèvent moins d'un rapport à l'interdit qu'à une injonction à jouir sans entrave. Elles sont en rapport avec l'excès. Comment aider les sujets à les traiter alors que les discours qui limitaient la jouissance s'évanouissent ? A l'alternative obéir/désobéir répondant à un ordre patriarcal dépassé, V. Leblanc propose une troisième voie qui s'écarte du sens : intervenir. « Intervenir avec son corps », précise-t-elle. Cette pratique ne se passe pas du signifiant, mais elle en fait un autre usage qui touche à sa matérialité : coupure, écriture, travail sur la sonorité, la forme des mots... Il s'agit d'obtenir une extraction, un vidage du « trop » qui déborde le sujet. Du côté de l'intervenant, cela implique de croire au signifiant sans y adhérer, de s'en servir pour attraper quelque chose du réel, ce à quoi mène l'expérience d'une cure. Un texte lumineux pour qui souhaite s'orienter de la psychanalyse à l'ère du rejet des semblants.
Dominique Szulzynger à propos de celui de Florence Negre, La dé-composition du père.
Au journaliste qui le questionne sur le rapport entre la science et la psychanalyse, le docteur Jacques Lacan répond : « Pour moi, la seule science vraie, sérieuse, à suivre, c’est la science-fiction. »[1] Son intérêt pour les fictions est à croiser avec celui qu’il porte aux mythes et tragédies, à commencer par le mythe d’Œdipe, « clé de voute de la psychanalyse ». En 1961, Lacan interroge : existe-t-il une tragédie contemporaine ? Paul Claudel fait réponse. Connaissez-vous Sygne de Coûfontaine ? Toussaint Turelure ? En quoi le destin de Sygne répond à celui d’Antigone ? En quoi il en diffère ? Du père impuissant au père humilié, l’article de Florence Négre semble une chronique d’une décomposition avancée ! Que reste -il de notre Œdipe quand la fonction du Nom du Père s’entame ? Il y a à s’y enseigner.
1 Lacan J., « Entretien au magazine Panorama », La Cause du désir, n°88, mars 2014, p. 171.
Vanessa Sudreau à propos du texte André Soueix, Antigone, l'obéissante.
Antigone est un bien curieux personnage, André Soueix nous la peint en radicalisée, sorte de figure extrémiste, ce qui ne l'empêche pas d'intituler son texte : Antigone l'obéissante, premier (apparent) paradoxe. Lacan en fit une héroïne du désir, prête à tout pour que son frère, déjà mort, puisse bénéficier d'une sépulture. Dans ce "sans limite", elle peut s'apparenter à une figure du ravage. Dans son "mouvement-suicide" (comme le nomme E. Laurent) elle évoque en effet la figure sacrificielle d'un sujet ployant sous le surmoi, cette loi sans dialectique. Alors Antigone : Désir pur, désir mort ou désir de mort ? En quoi éclaire-t-elle la fonction du désir de l'analyste dans le discours analytique ?
Figure de la féminité n'ayant rien à perdre, hors de tout, ou du héros prêt à tout risquer ? On ne sait s'il s'agit chez elle d'un courage extrême au service d'une loi qui la transcende, ou d'un sacrifice du désir au profit de l'Autre monde. Une chose est sûre : elle a rapport avec l'Absolu, non avec le mi- dire. André Soueix maintient son Antigone sur cette zone de crête entre deux mondes, entre deux morts, il maintient ainsi la complexité de ce personnage qui seule permet de mettre en exergue celle du désir de l'analyste qui n'est pas un désir pur, quand bien même il n'est désir de quelque chose.
Cécile Guiral pour le texte de Clémence Coconnier, Les semblants mis à nu par la scène, même.
Clémence Coconnier nous invite au spectacle d’un réel, nous plongeant dans les performances du théâtre contemporain. Pour certains insupportables, pour d’autres provoquantes ou fascinantes. Le théâtre contemporain percute et ne laisse pas indifférent. Clémence Coconnier, prenant appui sur les recherches de Gérard Wajcman, Milo Rau, le travail de Liddell et les références de Jacques Alain Miller, nous offre une lecture de ce qui est ainsi dévoilé, montré. C’est par une mise à nue des semblants, pour reprendre l'expression de Clémence Coconnier, que le théâtre contemporain pointe vers la dimension du réel. Les semblants voilent, masquent, recouvrent, volent en éclats pour ne laisser apparaître que le corps à l’état brut, le corps jouissant.
La déconstruction des semblants et des discours n’est pas sans rapport avec l’expérience analytique. La cure, décortique, déconstruit et à la fois met en valeur ce que ces semblants recouvrent du réel pour chacun. Clémence Coconnier fait résonner cette phrase de Jacques Alain Miller « Il ne faut pas badiner avec les semblants ».
Les textes de Marie-Christine Bruyère, Laure Vessayre, Clémentine Cottin-Guilbert et Cécile Favreau sont également à découvrir dans ce formidable Lapsus sur les semblants !!
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