Colloque "La parole dans la clinique de demain. Etat des lieux d'une dépathologisation et perspectives"
La parole dans la clinique de demain
États des lieux d’une dépathologisation et perspectives
ARGUMENT
Longtemps notre société s’en est remise aux psychiatres pour diagnostiquer la maladie mentale, autrement dit pour établir la frontière entre le normal et le pathologique dans ce domaine. Cette polarisation du savoir n’est plus d’actualité. Il semble qu’aujourd’hui, chacun se fait maître de la façon de nommer ses symptômes, d’établir son diagnostic, ou d’affirmer que ses particularités ne s’insèrent pas dans une pathologie.
Dans le même temps, s’effacent progressivement du lexique de la clinique les termes faisant référence à la folie. On pourrait parler d’un mouvement général de « dé-stigmatisation », voire de « dé-pathologisation » prenant racine dans l’idéal d’égalité absolue qui marque notre époque.
Avec la loi Kouchner1, en 2002, le patient devient « usager » du système de santé et se reconnaît comme « sujet de droit ». Ce progrès aurait pu résonner comme une promesse pour ce dernier, celle de pouvoir choisir librement, et en connaissance de cause, parmi une diversité de références thérapeutiques. Comment expliquer alors que vingt ans après l’adoption de cette loi, on assiste au contraire à une réduction des modalités de soins psychiques ? C’est ce dont témoigne, par exemple, l’exclusion des psychologues formés en psychopathologie du réseau d’évaluation des enfants (0-7 ans) telle qu’elle est pratiquée sur les plateformes dédiées aux « troubles neuro-développementaux ». Les politiques managériales visant à la maîtrise des dépenses de santé paraissent s’associer à l’idée d’orienter la formation des professionnels du champ « psy » dans le sens d’homogénéiser les pratiques.
Depuis les années quatre-vingt, le DSM2 et ses versions successives ont introduit un classement des troubles psychiatriques faisant abstraction d’une causalité psychique. Ce vide causal est-il à l’origine du succès que connaît actuellement la « thèse neuro », selon laquelle la totalité des ressentis et des comportements humains seraient explicables par la connaissance du fonctionnement cérébral ? Si le cerveau dirige notre existence, quid de la responsabilité de chacun en ce qui concerne sa position dans le lien social ? Le point de vue de Lacan à l’égard de la psychiatrie est d’en faire une « sociatrie », de s’occuper des effets de la « fissure sociale »3. Pourquoi après avoir été relativisé un temps, l’organicisme fait-il un retour en force ?
Une langue nouvelle est promue dans la clinique, qui tend à mettre sur un même plan patient et thérapeute, et vise à éliminer la notion de folie. Comment concevoir ce nouveau rapport à la parole, une parole sous-tendue par la revendication et vidée d’un savoir sur les désirs inconscients qui font symptôme pour chaque sujet de façon toujours renouvelée ?
L’abord que soutient la psychanalyse déplace le curseur : l’être humain est malade de son aliénation au langage. Prendre la parole dans le dispositif analytique, c’est en repérer les linéaments, loin d’une norme qui serait déjà là. Ce qui y est dit ne vaudra que pour celui qui l’énonce. L’invitation à dire ce qui cloche, ce qui ne va pas, faite à celui qui vient parler au clinicien orienté par la psychanalyse, garde une place d’autant plus exceptionnelle que la société dénie la folie au nom de l’égalité des sujets.
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1 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000227015/
2 American Psychiatric Association, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux 5ème édition (DSM-V), Elsevier Masson, 2015.
3 Lacan J., « D’une réforme dans son trou », La cause du désir, Paris, Navarin Éditeur, n° 98, 2018, p.9.
De nombreux Lapsus vont être publiés tout au long de la préparation de ce colloque. Pour les lire, cliquez ici!