Collège clinique de Toulouse / Session 2023-2024 / La famille dans l'inconscient - Entre aliénation et séparation

On ne saisit toujours que rétroactivement ce qui a fait famille pour un sujet. Les personnages de la vie familiale ne prennent leur sens et leur poids qu’en raison de la place qu’ils tiennent dans l’inconscient. Il faut le temps pour dire la façon avec laquelle on a considéré l’autre de la famille dont on connait les travers, les goûts, les moindres faits et gestes, ce qu’il a provoqué en nous d’émotions et de passions.

L’expérience la plus quotidienne de la psychanalyse atteste de la présence de la famille au cœur même de l’analyse. La remarque de Lacan dans l’une de ses conférences nord-américaines reste d’une étonnante actualité : les analysants finalement ne parlent que de ça car notre parole vibre entièrement de la manière dont la famille nous a parlé, « ce sont les proches parents qui nous ont appris lalangue » (Lacan).

Pour la psychanalyse, la famille demeure le lieu unique de rencontre avec le désir de l’Autre, dimension primordiale dans l’expérience humaine, entre structure et drame.

Au temps du déclin de la famille traditionnelle, le roman familial n’a pas disparu mais il change d’allure : les sujets continuent de jouer leur partie avec un Autre moins tragique certes, et de se loger dans une histoire de famille. Les parents incarnent toujours pour un enfant l’Autre de la supposition de savoir, passeurs du monde.

Les repères structuraux que Lacan indique dès « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu » gardent leur validité au sens du désir de la mère et de la fonction du père, deux principes non superposables à la différence des sexes : paternel au sens d’une incarnation de la loi dans le désir (fonction de transmission de la castration, ce qui est symptomatique dans le rapport à l’autre sexué), maternel, dont l’enfant prolonge la jouissance dans le fantasme.

« Famille dans l’inconscient » signifie que ce qui constitue une famille pour un sujet, dans sa particularité, est d’abord masqué avec toutes ses nuances. La biographie dite infantile n’est donc que seconde et masque les termes fondamentaux que Lacan recommande d’explorer : le mode de présence sous lequel a été offert au sujet chacun des trois termes : savoir, jouissance, objet a.

C’est depuis l’inconscient seulement que s’appréhende la version particularisée de la famille, de son père, de sa mère, de son enfant, dans un rapport plus léger à la famille, passage de l’Autre à l’autre. De ce lien là il n’y a pas lieu de se couper : c’est une boussole dans la clinique et dans la pratique car cette continuité assure le lien qui nous fait authentiquement humain.